

Mars 2019. Je quitte l’aéroport de Volgograd avec ma voiture de location. Première fois que je vais m’élancer seule sur les routes russes.
Je dois rejoindre Elista, capitale de la république de Kalmoukie (Russie) qui se trouve à seulement 300 kilomètres par une route toute droite que je suis censée parcourir en 4 heures.
Je précise « toute droite » car je n’ai pas regardé la carte avant de partir, pas plus que les panneaux, préférant m’émerveiller sur ce paysage steppique qui s’ouvre à moi.

L’embourbement
Puisque je n’ai pas regardé la carte, j’obéis au dieu GPS quand il m’intime l’ordre de tourner à gauche. Je me retrouve immédiatement sur un chemin de terre et je continue de rouler en pensant qu’il s’agit simplement d’une portion à traverser avant de retomber sur la route asphaltée.
Au bout de quelques minutes la route est boueuse et inondée. Nous sommes mi-mars mais dans le sud de la Russie la neige a déjà fondu et les sols sont encore gorgés d’eau.
Je m’immobilise, jauge le terrain du regard (erreur fatale), décide de passer très à gauche à fond tout en sachant qu’avec une boîte automatique j’ai très peu de chances de passer. Tant pis, je me lance, il faut bien un peu de fun dans la vie…et je m’embourbe comme une grosse quiche !


J’ouvre calmement la portière et sort de la voiture en murmurant un « putain Béné » avant de m’embourber à mon tour, con jusqu’au bout la fille !
Seule dans la steppe, les pieds dans la boue, j’aperçois au loin un cavalier, je me crois dans un film. Je saute, crie et fais de grands gestes, le cavalier approche mais ne viendra jamais. Je ne suis pas dans un film.



Rencontre avec Bata
Je décide de marcher jusqu’à la ferme en taule que j’aperçois au loin, unique habitation alentour. Alors que j’approche je me fais charger par des chiens, petits heureusement, toque à la porte semi-ouverte et entre.
Un homme en train de boire son thé me regarde l’air surpris, faut dire que j’ai pas trop le physique du coin. Le dialogue s’installe.

Moi (dans un mauvais russe): Ma voiture est dans la boue, gros problème, j’ai besoin d’aide
Lui: Comment t’appelles-tu ?
Moi: Voiture, boue, gros problème
Lui: Oui j’ai compris mais comment t’appelles-tu ?
Moi: Béné
Lui: OK Béné, je vais t’aider, moi je m’appelle Bata (comme les chaussures me dis-je)
C’est comme ça que j’ai découvert que pour de nombreux kalmouks il est important avant toute chose de savoir le prénom des gens. Bata a une bonne tête, je ne m’inquiète donc pas.
Il prend trois cordes et nous rejoignons ma voiture dans sa Lada Niva blanche 4×4. « Béné sans 4×4 on ne passe pas ici à cette période de l’année ». Oui, j’avais compris. Les cordes cèdent les unes après les autres mais Bata a de la ressource.

Les curieux arrivent
Bata me dit qu’il a appelé du renfort. Je l’entends cependant passer plusieurs coups de fils et malgré mon mauvais niveau de russe je comprends qu’il raconte en se marrant qu’une française est venue s’embourber devant sa ferme.
Quelques minutes après tous ses potes rappliquent, on sera jusqu’à 8 à tenir salon au milieu de nulle part.



Arrivée d’une dépanneuse quelque peu vintage…
A l’arrivée d’une camionnette grise qui doit dater du début de l’URSS, je demande à Bata s’il ne serait pas plus raisonnable d’appeler un professionnel. Bata éclate de rire en s’exclamant « mais c’est un professionnel ! ». Mes ricanements intérieurs ne dureront pas car le 3ème essai sera le bon.
Je propose à Bata et au professionnel vintage de l’argent, ce qui me paraît être la moindre des choses -le cirque ayant tout de même duré 2 heures- ils refusent et acceptent seulement mes tablettes de chocolat suisse.
Puis petite séance photo avec l’équipe à qui j’ai dû faire leur journée tellement ils ont ri !



Un dernier petit problème à régler
Je jure mes grands dieux intérieurs de ne plus jamais sortir seule des routes asphaltées sans un 4×4 dans ce pays et me remets en chemin.
Mais un dernier problème subsiste: je ne peux pas arriver à Elista avec cette voiture toute crottée. Je m’arrête donc à la petite ville de Troïtskoye qui précède Elista pour nettoyer le bolide.
Me voyant en mode grosse débile avec mes pièces et mon karcher, Grigori, un jeune kalmouk en train de briquer sa voiture, vole à mon secours et va jusqu’à nettoyer lui-même toute ma voiture !




Je quitte Troïtskoye pour Elista, déjà touchée par la bienveillance et la bonne humeur kalmouke avant même d’en avoir atteint sa capitale !